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Julius Eastman poursuit des études de composition et de piano au Curtis Institute of Music de Philadelphie dont il sort diplômé en 1963. Repéré par Lukas Foss, il est invité à rejoindre Creative Associates, un groupe de musique nouvelle financé par le Center for the Creative and Performing Arts de l’Université d’État de Buffalo. Il y côtoie Petr Kotik, Gwendolin Sims, James Fulkerson, Jan Williams et Morton Feldman. Il compose là la musique, le livret et la chorégraphie du ballet The Moon's Silent Modulation, manifeste égalitaire où, racontant la confrontation égotique des astres, Eastman n’accorde de prééminence à aucun de ses interprètes et dont le message, exprimé par le compositeur, est « Il n’existe aucun être ou personne supérieur qui puisse être identifié1 ».
À Buffalo, Julius Eastman est également interprète de pièces d’autres compositeurs dans le cadre des Creative Associates : Five Pianos de Morton Feldman ; Coming Together de Frederic Rzewski, écrite à partir d’une lettre d’un prisonnier tué pendant une insurrection dans un centre pénitentiaire en 1971, événement qui a fortement marqué Eastman ; George III dans la pièce Eight Songs for a Mad King de Sir Peter Maxwell Davies, qui lui vaut un grand succès et une reprise sous la direction de Pierre Boulez à New York ; danseur-combattant dans Crow de Pauline Oliveros ; Requiem for the Party Girl de R. Murray Schafer où sa performance convainc le compositeur de permettre à un homme d’incarner le rôle-titre.
Sa production est importante, ses œuvres sont régulièrement jouées — souvent, il les interprète ou les dirige —, notamment dans la série de concerts Evenings for New Music, et il finit par obtenir un poste d’assistant-professeur en théorie de la musique à l’université. Il est nommé aux Grammys en 1973 pour l’enregistrement de Eight songs for a Mad King édité par le label Nonesuch.
En 1976, il déménage à New York et s’intègre à la vie musicale de la ville. À son arrivée, Lukas Foss, devenu directeur musical du Brooklyn Philharmonic, le fait co-curateur avec Tania León et Talib Hakim du Brooklyn Philharmonic Community Concert Series, un programme destiné à faire connaître le travail de « compositeurs d’extraction non-européenne ». Il prend également la tête de la série Meet the Moderns.
À New York, il se produit avec Arthur Russell, Meredith Monk, ou encore Peter Zummo, de Carnegie Hall, à l’Académie de musique de Brooklyn jusqu’aux lofts du centre-ville et aux clubs disco. Sa musique évolue continuellement, de la notation traditionnelle à des représentations graphiques, de la musique minimaliste (dont il qualifie sa variante personnelle d’« organique ») au free jazz, en passant par le rock new wave, le disco et l’improvisation. Julius Eastman est à la recherche de son identité musicale autant que personnelle. En tant que compositeur noir et homosexuel, à l’époque du Black Panther Party et des émeutes de Stonewall, alors qu’il évolue dans un milieu peu porté à la démonstration politique, ses œuvres comme ses actions — dont son interprétation plus que suggestive des Song Books de John Cage qui lui valent l’ire du compositeur — se font de plus en plus provocantes. Les titres de ses pièces, Crazy Nigger (1978), Gay Guerrilla ou Evil Nigger (1979), reflètent le caractère militant de Julius Eastman, revendiquant les qualificatifs outrageux sur un mode guerrier. Stay On It (1973, « Ne lâche rien ») est aussi un exemple majeur du style post-minimaliste du compositeur.
Pendant sa période new-yorkaise, il fréquente les musiciens de l’organisation The Kitchen sous la direction de George Lewis et part avec eux en tournée en Europe en 1980. Mais son attitude extravagante et ses comportements addictifs aliènent progressivement plusieurs de ses relations. Il est expulsé de son appartement pour loyer impayé et se retrouve sans-abri. Julius Eastman, retourné à Buffalo, décède d’un arrêt cardiaque à l’âge de 49 ans en 1990.
1. Cité dans Renée LEVINE PACKER, Mary Jane LEACH (éd.), Gay Guerrilla. Julius Eastman and His Music, New York, University of Rochester Press, 2015, p. 25.↩
Renée LEVINE PACKER, Mary Jane LEACH (éd.), Gay Guerrilla. Julius Eastman and His Music, New York, University of Rochester Press, 2015 ; thatwhichisfundamental.com ; The New Yorker ; France Musique
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